Mardi 31 juillet : Las Vegas
Nous sommes de retour aux
Etats-Unis. Après un mois passé dans le désert, on retrouve la civilisation
américaine et ses larges routes, ses énormes pickups, ses innombrables
fast-foods et ses gigantesques supercenters. On ne s’attarde pas à San Diego et
prenons rapidement la route du Nevada et de l’une des villes les plus
démesurées qui soit : Las Vegas. Nous n’avions pas eu le temps de nous y
arrêter lors de notre visite des parcs et avons quand même envie de découvrir
cette ville complètement folle, même si l’été n’est à priori pas la meilleure
saison pour s’y rendre. On va passer en quelques heures du rien au tout, ou du
tout ou rien, selon chacun, et de la fraicheur du Pacifique à la fournaise de
la région la plus surchauffée des US. On s’attend à payer cher notre virée dans
le désert en plein cœur de l’été puisque depuis des semaines tout le monde nous
répète que « Vegas is sooo hot in summer, it’s terriiibbbllllleeee ! ».
On s’attend donc à cuire à l’étuvée, tout doucement, dans Winnie.
On plonge vers l’intérieur du
continent et longeons un moment le désert de Mojave. La température augmente
proportionnellement aux kilomètres parcourus, jusqu’à ce que l’on voie apparaître
à l’horizon une grosse ligne de nuages. On croise les doigts pour que la route
se glisse dessous afin qu’ils atténuent un peu la chaleur. Et notre vœu est
exaucé bien au-delà de ce que nous espérions. Nous passons sous les nuages au
moment où des éclairs zèbrent le ciel et la pluie se met à tomber. Tout d’abord
assez fine, elle se transforme en quelques minutes en véritable déluge. Non, ce
n’est pas possible. On a du mal à y croire, dans la zone la plus aride et la
plus chaude du pays, on se prend la pluie, en plein été ! On commence à se
poser des questions… A chaque fois que l’on se rend dans un endroit réputé très
sec, il pleut. Il avait carrément neigé lors de notre traversée du désert
d’Atacama et on s’était pris une bonne rincée dans le Sahara. Quelle bizarre
influence avons-nous sur la météo (?!). Et si au lieu d’attirer la pluie on
pouvait plutôt attirer les grosses vagues… Enfin pour l’instant, nous sommes
ravis de cette blague du climat. Grâce à la pluie il fait bon et l’on arrive
bien frais à destination. Comme dit Laeti, tant pis pour l’ambiance désert
surchauffé, chaque heure de prise au frais est une heure de gagnée et on aura
bien le temps de mourir de chaud plus tard sur la route.
L’orage se calme et une petite
heure plus tard nous voyons surgir de nulle part, au beau milieu du désert, les
célèbres édifices bâtis à coups de milliards de dollars. On sort de
l’Interstate pour s’engager sur Las Vegas Boulevard, alias le Strip. Même si
l’on est censé être en saison creuse, le Strip est bondé. Ça grouille véritablement
de touristes sur les trottoirs et au pied des hôtels. Après un mois en tête à
tête avec des cactus, on en a le tournis. Mais pour l’instant, nous ne faisons
que passer car il faut tout d’abord penser à se loger. La température pendant
la journée peut atteindre 45°, alors il est primordial de pouvoir faire fonctionner
la clim. Comme nous ne comptons pas imposer à Nouky la visite des casinos et que
nous avons fait le plein du frigo et du congel en prévision de la route, il
faut que la température reste clémente
dans le camion. Nous avons trouvé un camping situé juste à côté du Strip où
l’on pourrait se brancher sans problème, mais on aimerait tenter de trouver un
hôtel. Après trois mois dans le camion, on ne serait pas contre un peu de
confort pendant un jour ou deux… On avait repéré sur internet un hôtel qui
acceptait les chiens, le Clairion, alors avant d’aller au camping on décide
d’aller y jeter un œil. L’hôtel n’a pas de parking abrité et il paraît
difficile d’y laisser le camion garé en plein cagnard pendant plusieurs jours
sans avoir de dégâts. Mais pour l’instant, l’orage a rafraichi l’air. On décide
donc de se prendre une première nuit à l’hôtel, et au pire d’aller au camping
le lendemain si le thermomètre s’emballe. Après le petit espace de notre
camion, nous trouvons la chambre immense. Et comme nous n’avons pas cessé de
rouler (certes pas toujours très vite) depuis notre départ de San Carlos, on
est un peu crevé. On décide donc de passer la fin de la journée à ne rien
faire. Nous préférons profiter, comme de vrais touristes, de ce confort
temporaire en nous prélassant dans le king size bed. Le Strip attendra.
Mercredi 1er août : Le Strip
Après une bonne nuit de repos, on
décide de quitter, à regret, l’hôtel. Le soleil est revenu et le mercure est
bien remonté. A neuf heures du matin, la température est déjà presque
insupportable dans le camion. On va donc s’installer au camping Circus Circus situé
au nord du Strip afin de pouvoir se raccorder à l’électricité et faire tourner
la clim. Une fois branché, on part découvrir le Strip. Las Vegas est fidèle à
sa réputation. Tout est dans la démesure et dans le tape à l’œil. Les hôtels se
sont lancés dans une course au plus luxueux, au plus grand, au plus fou. Chaque
hôtel possède son casino, ou plutôt chaque casino possède son hôtel. On rentre
en général dans les établissements directement par les salles de jeu qui sont
de véritables labyrinthes et qui s’étirent sur des distances incroyables. On
dirait que les bâtiments sont aussi hauts que longs. On n’en voit pas la fin et
on se perd à coup sûr. Sans boussole ni GPS, difficile de s’y retrouver. Et
entre les milliers de machines, de tables, les multiples restaurants et
boutiques, tout est fait pour que l’on perde la notion du temps, et surtout la
notion de l’argent dépensé. Et à voir les mines de certains, ça à l’air de bien
fonctionner…
Dans la rue, c’est le soir que
Vegas prend toute sa dimension. Chaque hôtel offre un show gratuit afin
d’attirer la foule. De l’éruption d’un volcan au Mirage, au naufrage d’un
bateau pirate au Tresor Island, et en passant par le balai de milliers de jets
d’eau du Bellagio, on en prend plein les yeux. Et entre ces spectacles, on
voyage d’un univers à l’autre, d’un pays à l’autre. Un instant sous la Tour
Eiffel et l’Arc de Triomphe, on se retrouve quelques pas plus tard sur le pont
du Rialto, à regarder passer les gondoles, puis en plein milieu d’une fête
foraine avec acrobates et trapézistes. Dans la galerie du Caesar Palace, on
peut se balader pendant des heures dans des rues italiennes reconstituées sous
une voute représentant le ciel. En marchant parmi les centaines de boutiques,
notre allure nous donne l’impression, par un effet de trompe l’œil, que les
nuages sont en mouvement dans le ciel artificiel ! L’effet est vraiment
bluffant, et on ne sait finalement plus, à Vegas, distinguer le vrai du faux.
On peut ne pas aimer cette
débauche de luxe et d’argent mais on ne peut ignorer les prouesses techniques
et l’inventivité des concepteurs. La cité est le lieu rêvé pour tout architecte
sponsorisé à coup de milliards. On a l’impression qu’ici ces derniers ont
laissé déborder leur imagination en poussant leur inventivité à l’extrême, sans
aucune limite ni contrainte. C’est comme si, dans ce pays où la nature a
produit d’innombrables merveilles, l’homme avait voulu se surpasser pour
montrer qu’il était lui aussi capable de créer des choses extraordinaires. Et
il y a réussi, même si la contrepartie, écologique notamment, risque de se
payer cher.
On passe ainsi deux journées et
deux nuits à arpenter les rues de la plus fréquentée des villes du Nevada,
jusqu’à en avoir mal dans toutes les articulations des jambes. Nous sommes
rompus et courbaturés, mais contents d’avoir découvert Las Vegas qui représente
l’un des symboles des US. C’était certainement la visite qui nous ressemble le
moins et qui était aux antipodes de ce que nous recherchons habituellement,
mais nous voulions absolument y passer, par curiosité, pour justement voir ce
que nous n’avons pas l’habitude de voir. Mais après deux jours passés dans ce
monde parallèle complètement fou, il est temps de revenir à la réalité et à
penser à reprendre la route…
Vendredi 3 août : On the road… again
On lève le camp ce vendredi sous
un soleil de plomb et la chaleur qui va avec. On quitte ce monde artificiel avec
regret. Non pas que Vegas soit la révélation du trip car pour rien au monde on
ne vivrait ici, mais parce que l’on sait que nous attendent plus de 4000 kilomètres
de route à faire en cinq jours jusqu’à New York. La joie ! On se remet
donc en monde routier. C’est-à-dire que l’on met notre cerveau au placard et
qu’on ne s’arrête que pour dormir dans un truck stop. Cette fois-ci, étant
donnée la distance, on ne peut pas prendre notre rythme habituel qui ne prévoit
que de courts dodos, et on s’impose de s’arrêter tôt dans la soirée afin de
s’accorder de vraies nuits. En revanche, depuis le moment où l’on allume le
moteur le matin à 8 heures jusqu’au soir à 20 heures, il n’est plus question de
couper le contact. Et si en se relayant on arrive à faire quelques siestes à l’arrière,
Winnie lui, ne s’arrête jamais. A ce rythme, les deux premiers jours sont
monotones mais passent sans encombre. Le troisième jour, on attaque la seconde
moitié de la route, la vingt-cinquième lecture du répertoire de zik et on commence
à en avoir marre et à trouver ça long. Le quatrième, on se dit qu’il faut être
complètement débile ou masochiste pour s’imposer une telle traversée. Et le
cinquième, on décide que si l’on ne voit pas le panneau « New York »
avant la fin de la journée, on balance le camion dans le fossé et on rentre par
n’importe quel moyen. Nouky, quant à lui, est devenu complètement dépressif.
Depuis que nous avons quitté San Carlos, il est bouclé dans le camion et
attaque désormais sa dixième journée de route (que Winnie avance ou non, pour
lui ça ne fait aucune différence) et la plus mauvaise partie de son voyage.
Lorsque l’on finit par s’arrêter, il ne veut même plus sortir. Il faut le tirer
pour l’amener faire ses besoins et, là encore, il freine des quatre pattes.
Dans ce contexte, on n’ose même pas lui dire qu’il va falloir qu’il reprenne
l’avion… Et nous faisons tout ça avec la crainte d’une panne potentielle vu
l’âge avancé de notre engin. A chaque fois que l’on dépasse quelqu’un qui est tanké
sur le bas-côté ou que l’on évite un pneu éclaté en travers de la route, on
prie le dieu des Winnebagos pour qu’il ne nous laisse pas en carafe…
Pour traverser le pays, nous
n’avons pas choisi d’emprunter la célèbre route 66, mais les Interstates 70, 76
et 80. Moins mythiques mais plus rapides, elles coupent le pays en ligne
droite, au détriment des points d’intérêts touristiques… La seule exception à
la monotonie de la route sera la traversée de l’Utah, après avoir quitté le
Nevada. Egal à lui-même, cet état nous offre encore une fois un spectacle
époustouflant. A la fin de la première journée de route, au moment où nous
quittons définitivement le grand ouest américain, ce dernier nous régale une
dernière fois d’un de ses couchers de soleil fantastiques, comme pour nous dire
au revoir. La gorge un peu nouée, nous regardons dans le rétroviseur le soleil
et le désert disparaître dans la nuit. Un peu comme un symbole, la fin du jour
marque aussi la fin de notre trip. Devant nous, mis à part un court séjour à NY,
il n’y a plus que la route et la revente du camion, puis ce sera le retour.
Cela nous laisse un moment silencieux pendant que nous roulons.
Si le Colorado nous offre encore
la fraîcheur de ses montagnes, à partir de Denver, le paysage ne nous apporte
plus aucune distraction… A peine passée la ville, les Rocheuses se sont
brusquement effondrées pour laisser la place à une plaine interminable qui
s’étend jusqu’à l’océan Atlantique. Celle-ci ne présente qu’une désolante
alternance de champs de maïs, de petites villes, de supercenters et de truck
stops, dont seul l’ordre d’apparition peut constituer un changement. Nous
traversons ainsi, sans vraiment se rendre compte que l’on change d’état, le
Nebraska, l’Iowa, l’Indiana, l’Ohio, l’Illinois, la Pennsylvanie et le New
Jersey.
Mercredi 8 août : Marin boulevard, New Jersey City
Quand on voit enfin les panneaux
New York City, un énorme soulagement parcourt le camion. On se rend directement
au Liberty Harbor Campground de New Jersey City. C’est la seule possibilité
pour nous de se loger à NY, puisque c’est le seul camping de la ville. Enfin,
en fait de camping, il s’agit d’un simple parking sur lequel les propriétaires
jouent à Tétris avec les camping-cars pour en caser le plus possible. On se
retrouve donc coincé entre trois camions gigantesques. On pensait être déjà
bien serré comme ça, mais c’était sous-estimer les capacités mathématiques des
responsables. Même lorsque qu’il n’y a plus de place, ces derniers arrivent
encore à caser un cinquième camion au milieu. Ainsi, si à San Carlos c’est le
bruit des vagues qui nous berçait, ici ce sont désormais les ronflements des
voisins d’à côté… Pas très romantique, mais très pratique, ce camping est cependant
parfaitement situé pour découvrir la ville. Installés en face de Manhattan,
nous pouvons rejoindre la city en un coup de métro ; un argument que les
proprios ont d’ailleurs bien intégré pour en faire le parking le plus cher du
monde… Mais peu importe, en arrivant, on est rincé, et on n’a qu’une seule
envie, ne plus bouger. Une fois installé, on regarde les gratte-ciel en face,
puis la carte des USA et on pousse un cri de joie : « We did
it ! ». Mais au lieu de profiter du reste de la journée pour nous
reposer et savourer notre petite victoire, il faut encore s’activer. Quelques
jours avant d’arriver, nous avons posté une annonce pour vendre le camion et
nous avons déjà quelques réponses de personnes qui souhaiteraient le voir. En
vue des visites potentielles que nous pourrions avoir le lendemain, on commence
donc à nettoyer le camion de fond en comble pour le rendre plus présentable, et
on finit (une nouvelle fois) très tard et très fatigué. Mais qui a dit un jour que
les vacances servaient à se reposer ?
Jeudi 9 août : Empire State Building
Comme malgré la description
dithyrambique que nous avons faite de Winnie aux pseudos acheteurs, nous
n’avons finalement aucune visite de prévue pour la journée, nous partons
visiter New York. On prend le subway côté New Jersey, et celui-ci nous balance
côté New York City, à l’angle de la 32ème rue et de la 6ème
avenue, dans le petit Herald Square. De là, on est juste à côté de l’Empire
State Building et il suffit de lever la tête pour apercevoir le géant dont la
célèbre antenne pointe vers le ciel.
En se dirigeant vers l’Empire State,
on ne résiste pas aux hot-dogs des innombrables vendeurs ambulants. On tient
absolument à goûter ce cliché américain dont se nourrissent systématiquement
les new yorkais dans les films. On s’acquitte des deux dollars de droit
d’entrée pour ce standard culinaire made in USA et récupérons en échange… deux
microscopiques sandwichs à la mine fatiguée. Mais on ne se laisse pas décourager
par une si triste vision et croquons à pleines dents dedans. Malheureusement,
notre palais confirme ce que notre vue supposait : le mythique hot-dog new
yorkais n’est en fait qu’un tout petit pain au lait mollasson affligé d’une
malheureuse saucisse que masque une sauce indéfinissable. La déception est
grande ! Toutefois, nous arrivons à la surmonter en pensant que d’autres
grands symboles de New York nous attendent, et l’on se rend à L’Empire State
Building. Depuis le 11 septembre, ce dernier est redevenu le plus haut sommet
de New York, en attendant que le nouveau World Trade Center le détrône à
nouveau. Et comme la vue mythique qu’il offre sur la ville est certainement
moins décevante que le petit rataillon culinaire qui se vend à ses pieds, on
décide de se payer son ascension.
Devant l’entrée du célèbre
building, on se fait assaillir par une horde de rabatteurs qui vendent toutes
sortes de tickets pour la visite du bâtiment et autres excursions. On opte pour
un combo 86ème étage du building et petite virée en bateau pour
découvrir la ville.
On décide de garder notre billet
pour les hauteurs de Manhattan pour le coucher du soleil et on commence par la
balade en bateau. On découvre ainsi la plus française des statues américaines
qui trône sur l’îlot « Liberty Island », Ellis Island, le
quartier des affaires, Brooklyn et les ponts qui le relient à Manhattan, le
Brooklyn Bridge, le Manhattan Bridge et le Williamsburg Bridge. Grâce à
l’excursion, on arrive, sans trop se fatiguer, à faire le tour de Manhattan et
à se faire une idée de la big city.
En fin de journée, on retourne à
l’Empire State Building pour profiter du spectacle qui nous y attend. Mais
avant, on décide de goûter un nouveau cliché de la haute gastronomie new
yorkaise, le Frapuccino, sorte de croisement entre le milk shake et le café
glacé et recouvert de suppléments, bref, l’autre truc que les new yorkais
tiennent à la main dans les films quand ça n’est pas leur portable. On s’arrête
donc en commander un et, histoire de compenser notre déconvenue précédente, on
ne lésine pas sur les options caramel, chantilly… etc. Et là, on n’est pas
déçu. On se retrouve avec un engin gigantesque, atrocement calorique, mais
absolument délicieux. C’en est tellement dégoulinant de caramel que, lorsque
l’on se balade dans la rue en tenant fièrement notre composition à la main, les
new yorkais nous arrêtent pour nous dire avec envie que notre truc a l’air
drôlement bon.
Ainsi repu, on peut s’attaquer à
l’ascension des 86 étages de l’Empire State… en ascenseur. Celle-ci se fait de
manière fulgurante, en quelques secondes à peine, jusqu’au 80ème étage.
De là, il faut reprendre un second ascenseur pour les six derniers étages, mais
pour atténuer un peu les scrupules que l’on pourrait avoir d’avoir englouti un
frapuccino aussi énorme, on décide de les gravir par les escaliers. Au sommet,
à la base de l’antenne à laquelle King Kong s’accroche (chacun ses références),
une coursive fait le tour du bâtiment. On y a donc des points de vue sur tout
New York. La vue est déjà exceptionnelle de jour, mais elle devient vraiment magique
lorsque la nuit tombe et que Manhattan s’illumine de toutes parts. Après trois
heures passées au sommet du géant, on fait encore quelques pas dans la ville
puis on reprend la direction du camping.
Juste avant de me coucher, je
pars comme d’habitude avec Nouky pour sa sortie du soir. Comme il n’y a
personne sur le parking à cette heure-là, je décide de le lâcher. Sauf que je
commets une erreur en pensant qu’il n’y a personne. Une sorte de petite
bestiole, plutôt mignonne, avec un joli pelage noir, un museau blanc et une
longue queue à la verticale, fait également sa promenade du soir. Nouky ne
tarde pas à vouloir faire connaissance, même si l’intérêt n’est manifestement
pas réciproque. Dans le doute, je préfère récupérer le chien pour éviter les
ennuis. Je rentre au camion avec lui, mais étant donnée l’odeur qui se propage
rapidement dans le camion, je comprends instantanément que Nouky vient de
copiner avec… un putois !
Vendredi 10 août : WTC
Le lendemain, après avoir
vigoureusement shampouiné notre poilu pour tenter de le débarrasser de son
odeur infecte, nous partons à la découverte de la partie sud de la ville, Downtown.
Malheureusement, à la sortie du métro, nous sommes accueillis par des trombes
d’eau. Mais comme nous ne sommes à New York que pour trois jours, il nous en
faudra plus pour nous décourager. On s’achète deux parapluies et continuons
notre visite. On se rend près du chantier des tours du nouveau World Trace Center
qui, bien qu’inachevées, sont déjà vertigineuses. On est juste à côté du
mémorial du 11 septembre alors on décide d’aller y jeter un œil. Mais nous
sommes aux US et ici rien n’est jamais simple. L’entrée est gratuite, on
devrait donc pouvoir s’y rendre directement. Mais non, il faut aller prendre
des tickets (?), à un autre endroit (re ?), et faire une queue aussi
longue que la rue (!). Tant pis donc pour la commémoration. De toute façon,
nous n’avons pas vraiment besoin de voir une sorte de bassin fontaine pour
réaliser le traumatisme qu’à du représenter cette journée pour les new yorkais.
Il n’y a qu’à regarder l’environnement autour de nous pour imaginer le
cataclysme qu’à du déclencher l’effondrement des deux tours au milieu de ces
gratte-ciel gigantesques. On continue donc notre balade vers le City Hall et le
Brooklyn Bridge, un des plus vieux ponts suspendus du monde. Heureusement, la
pluie s’est arrêtée et le soleil pointe à nouveau le bout de son nez. En
revenant sur Manhattan, on traverse Wall Street et le quartier des affaires
avant de remonter sur Soho, Little Italy et Chinatown. On est toujours aux US
mais en quelques rues seulement, on se retrouve entouré de chinois dans des
rues où tout est écrit en mandarin. Après ces kilomètres de marche, on abdique
pour rejoindre le camion.
Il est tard et nous savourons
d’avance le moment où l’on va enlever les chaussures pour se jeter sur le lit.
Cependant, à peine nous avons ouvert la porte du camion, nous n’avons qu’une
envie : repartir en courant ! Malgré le shampouinage du matin, Nouky
empeste, et le camion avec. Notre pauvre quatre pattes est ravi de nous revoir
et souhaite absolument nous sauter dessus, et il ne comprend pas du tout
pourquoi on le fuit dès qu’il s’approche. Nos voisins canadiens nous apprennent
le lendemain matin que le responsable de cette puanteur est en fait une
moufflette. Mais pour nous, moufflette ou putois, on s’en fiche complètement.
La question que l’on se pose maintenant c’est : comment va-t-on réussir à
vendre le camion avec cette odeur ?
Samedi 11 août : Times Square
C’est déjà notre dernière journée
de visite de la grande pomme et celle-ci va être courte car nous avons enfin
une visite de prévue pour le camion en fin de journée. On commençait vraiment à
se désespérer car malgré de nombreux messages reçus suite à l’annonce, nous
n’avions toujours vu personne. Les acheteurs, sitôt qu’ils entendent notre
accent, s’enfuient à toute allure. Ils sont terrifiés par les arnaques
internet, réalisées en générale depuis l’étranger, et sont devenus complétement
paranos dès qu’ils entendent un accent. Ça nous rend dingue. Même ceux qui se
montrent les plus intéressés prennent la fuite dès qu’ils ont un doute, sans même
prendre la peine de vérifier qu’il ne s’agisse pas d’une arnaque. Pour
l’instant, on a décidé de ne pas trop se prendre la tête avec ça et de laisser
le problème pour la dernière semaine qui sera entièrement dévouée à la revente
du camion, mais on ne veut quand même pas rater une occasion. On décide donc de
partir tôt le matin afin d’être de retour en fin d’aprèm pour la visite.
En attendant, on repart pour
Manhattan et nous prenons cette fois la direction du nord à partir du Herald
Square. On remonte tantôt par la 5ème, tantôt par la 6ème
avenue au milieu d’innombrables et gigantesques tours. On se sent microscopique
et on a le torticolis. On va voir le Rockfeller Center mais à part un immense
magasin Légo rempli de maquettes hallucinantes, on y trouve rien de
passionnant. On pousse encore pour rejoindre Central Park qui se révèle
tellement immense qu’il est impossible d’en faire le tour dans le temps qu’il
nous reste et on ne peut que le traverser rapidement dans sa partie sud. C’est
un poumon de verdure au milieu du béton et de la pollution. Si l’on devait
bosser à NYC, c’est sûr, on camperait entre les arbres.
Puis, comme l’après-midi est déjà
bien entamée, on commence à redescendre tranquillement vers le métro en
empruntant Broadway. Un peu avant d’arriver à Times Square, pour optimiser nos
chances de vendre le camion, on décide d’acheter une bombe désodorisante. On ne
la croit pas capable de vaincre l’odeur de putois mais peut-être qu’elle
arrivera tout de même à la masquer le temps de la visite. Alors qu’on
s’apprêtait à rentrer dans le magasin, on assiste tout d’un coup à une scène
surréaliste. On voit un mec, un black, courir au beau milieu de la 7ème
avenue en brandissant quelque chose à la main. Il est suivi par une vingtaine
de policiers qui le mettent en joue. Tout autour, des centaines de badauds les
suivent en se poussant afin de ne rien perdre du spectacle. Téléphone à la
main, ils tentent tous d’immortaliser ce qui se passe devant eux. Et en quelques
secondes, la scène devient irréelle. Des dizaines de voitures de flics
déboulent toute sirène hurlante et à toute allure entre les passants, au risque
de les renverser. La rue est bouclée, la circulation bloquée et d’autres flics
à pied débarquent par dizaines. On n’en croit pas nos yeux. On pense que s’ils
font tout ce déploiement pour un seul homme, c’est qu’il doit être vraiment
dangereux. On se dit même qu’il doit avoir sur lui une bombe ou un truc comme
ça. On se détourne de la scène pour aller acheter notre bombe anti-mouflette
pensant que les policiers, vu qu’ils doivent être maintenant une centaine,
arriveront bien à arrêter le gars et que l’affaire sera vite réglée. Or, quand
nous sortons du magasin, on voit que le carrefour est désormais bariolé de
bandes noires et jaunes et on assiste à un défilé d’ambulances. On se rapproche
pour tenter de comprendre ce qui s’est passé et on apprend que le mec s’est
fait abattre de plusieurs coups de feu parce qu’il tenait à la main un couteau.
On n’en revient pas. Un simple gars, seul, contre tous ces flics et ils
n’auraient pas réussi à le neutraliser… ? Les explications des passants
sont tout bonnement extraordinaires et en disent long autant sur l’objectivité
humaine que sur les tensions raciales aux USA. Sans le faire exprès, on
interroge d’abord un black. Il est en colère et visiblement écœuré « c’était
un seul gars, avec un petit couteau (il écarte les doigts pour montrer une lame
d’environ dix cms), ils lui ont tiré dessus, comme un chien, ils ne voulaient
pas l’arrêter mais le tuer parce que c’est un noir ». Quelques mètres plus
loin une femme blanche est, elle, visiblement soulagée « il y avait un fou
furieux avec un couteau énorme (elle écarte les mains d’une cinquantaine de
centimètres), incontrôlable, c’était effrayant, ils ont bien fait de
l’abattre », et elle ajoute « faites attention dans la rue, regardez
partout autour de vous »…
On continue notre route
interloqué et ne sachant pas quoi penser de l’affaire. Abattre un type parce
qu’il a un couteau alors qu’il est seul et encerclé par des dizaines de
policiers nous semble incroyable. Ils n’ont pas de tazzers ? Ils ne pouvaient
pas lui tirer dans les jambes ? Dans tous les cas, le dispositif nous
semble disproportionné. Que se passerait-il en cas de problème grave, c’est
l’armée qui serait convoquée dans les cinq minutes ?
On arrive à Times Square, un
quartier complètement fou, à l’image des USA. Des écrans géants de la taille
d’un immeuble habillent les gratte-ciel. Ça clignote dans tous les sens et
notre rétine est attirée de tous les côtés. Il y a des pubs de partout, des
magasins dans tous les coins, une grande roue à l’intérieur du ToysRus et un
énorme magasin M&M’s. J’adore cet endroit. Il fait vraiment cliché mais
incarne parfaitement la démesure et la surconsommation américaine.
Après ce dernier bain de foule et
de folie, on retourne sur Marin Boulevard pour notre rendez-vous. Le gars, Joe,
est sympa et ne semble pas dérangé par l’odeur de la mouflette, habilement
dissimulée derrière une délicate odeur de « brise hawaïenne ». Il
semble intéressé et nous dit que Winnie est clairement le meilleur camion qu’il
ait visité jusque-là, mais le problème, c’est qu’il voudrait l’acheter pour aller
vivre sur la côte ouest et l’utiliser au passage pour son déménagement. Il
hésite encore à prendre un transporteur ou acheter un camping-car et nous
promet de se décider d’ici le lendemain.
Dimanche 12 août : Philadelphia
Au réveil, le verdict tombe, on
ne fera pas affaire avec lui. On n’a pas d’autres touches sur New York donc on
se résout à prendre la direction de Washington DC. On a réservé un vol à partir
de cette ville car Bill, un windsurfeur rencontré à San Carlos, y réside et
nous a proposé de venir se garer devant chez lui pour notre dernière semaine
aux US. On a tout de suite accepté sa proposition car les campings à Washington
sont hors de prix et assez excentrés, ce qui n’aurait pas été très pratique
pour la revente du camion. On décide juste de ne pas descendre d’une traite
mais de faire une escale à Philadelphie qui se trouve sur la route. On y a
repéré deux énormes dépôt-vente de camping-car. C’est une solution qui ne nous
enchanterait pas mais si nous n’avons pas vendu le camion au moment de partir
nous n’aurions alors pas d’autre choix que de le laisser en dépôt. On préfère
donc anticiper pour savoir ce qui serait possible de faire avec ce genre de
boite et voir à quel prix ils pourraient prendre Winnie.
Lundi matin on va donc frapper à
la porte des deux dépôts que l’on a repérés. Dans les deux cas, les vendeurs
jettent un œil au camion et nous proposent de le mettre en vente à 6000 $, ce
qui nous laisserait entre 4 500 et 5 000 $ pour nous. Le prix
pourrait convenir mais laisser le camion et partir à six mille kilomètres de là
ne nous enchante vraiment pas. Bill nous a proposé de superviser un peu la
vente mais Philadelphie est à trois heures de Washington. On conserve donc en
tête cette option au cas où l’on n’aurait vraiment pas d’autre choix mais on se
fixe comme objectif, à défaut de vendre le camion, de trouver un dépôt plus
proche de Washington.
On arrive en fin de journée chez
Bill qui nous ouvre gentiment sa maison. Il habite à Mc Lean, dans la proche
banlieue de Washington, dans un quartier typiquement américain. Toutes les
maisons sont alignées et parfaitement entretenues. Toutes arborent fièrement un
drapeau américain au-dessus de la porte, un panier de basket à côté du garage
et une pelouse tondue au millimètre près. L’élection présidentielle approchant,
certains habitants affichent déjà leur préférence en plantant des banderoles
dans le jardin. Dans cette rue où aucune voiture garée n’a plus d’un an Winnie
fait vraiment figure d’ancêtre et on se demande combien de temps on va pouvoir
squatter là avant qu’un voisin n’appelle la police…
Mardi 13 août : Tout ou rien
Etant donné que notre annonce sur
la Craigslist n’aboutit à rien de concret, on décide d’en changer le texte en
annonçant directement la couleur. On se présente comme un couple de français
qui finit son trip aux US et vend son camping-car avant le retour. Au moins les
acheteurs savent à quoi s’en tenir et l’on espère qu’ainsi ils ne prendront
plus la fuite quand ils verront qu’ils ont à faire avec des étrangers.
Parallèlement à ça, comme on n’a pas envie de rester inactif en attendant que
le téléphone sonne, on part à Manassas, une petite ville au sud de DC, où se
trouve le seul dépôt de la région. Il nous reste moins d’une semaine pour
trouver une solution alors il faut se bouger. Après quarante minutes de route,
on découvre un énorme RV center où une femme d’une cinquantaine d’année nous
reçoit. Elle nous demande de quelle année est le véhicule mais son visage se
déforme dans une mimique exaspérante quand elle entend la réponse. Elle semble
horrifiée par ce qu’elle entend et nous fait comprendre que pour elle tout
camping-car en dessous de 50 000 $ est bon pour la poubelle. Sa grimace et
son attitude nous irritent au plus au point et l’on fait un effort surhumain
pour ne pas lui mettre des claques. Elle nous donne quand même le numéro de
téléphone d’une personne qui rachète des véhicules « aussi » vieux.
Mais quand on appelle cette dernière, elle nous en offre 1 500 $, et
encore, pour nous faire plaisir. On est dépité. C’était la seule option proche
de Washington que l’on avait et on a toujours pas de visites de prévues. On
paye peut-être la proximité de la capitale où chaque coin de rue sent le dollar
à plein nez. Ça s’annonce mal.
On se rend sur le parking d’un Mc
Donald’s pour leur Wifi pour consulter nos mails au cas où l’on aurait des
réponses à l’annonce mais on est un peu démoralisé, la fin du trip risque
d’être stressante et difficile. Cependant, en ouvrant nos messages on découvre
un mail qui semble intéressant. Quasiment au même moment, on reçoit un appel de
gens également intéressés. Tous habitent au sud de Manassas. Ceux-là, on est
décidé à ne pas les laisser s’échapper et on leur met la pression en leur
faisant le coup de « on a beaucoup de visites de prévues…etc » pour
qu’ils viennent voir le camion le jour même. On obtient ainsi deux rendez-vous que
l’on fixe pour l’après-midi sur le parking d’un WalMart. Même s’il faut y cuire
des heures, on les attendra ! Nos deux couples arrivent presque en même
temps et confirment ainsi, par miracle pour nous, notre version des nombreuses
visites. On ne saura jamais si ça leur a mis la pression, mais le résultat est
que l’on finit la journée avec deux offres à 5 000 $, le prix qu’on l’a
payé ! On est super content. On passe encore une fois dans la même journée
de la consternation à la joie, mais tant que c’est dans ce sens-là, tout va
bien… On ne leur laisse toutefois aucun répit, au cas où ils changeraient
d’avis, et fixons un rendez-vous pour le lendemain matin à la première heure
pour finaliser la vente.
Mercredi 14 août : la pression tombe
Ce matin, on doit livrer Winnie
qui, fidèle jusqu’au bout, ne nous a fait aucun mauvais tour au moment de la
vente. Les acquéreurs sont un couple sympa avec trois enfants. On leur laisse
le camion la larme à l’œil en repensant aux bons moments que l’on a passés
dedans, et en le remerciant de nous avoir conduits sans encombre durant plus de
17 000 kilomètres dans des conditions parfois difficiles. Il a quelques
fois râlé, grincé, tapé, mais ne nous a jamais laissé en rade sur la route, même sur la piste de San Carlos.
On est de retour chez Bill à
midi, avec nos 5 000 billets dans la poche. Ça y est, on va pouvoir se
détendre pour les quelques jours qui nous restent. On pense à se louer voiture
et hôtel mais Bill nous propose de s’installer chez lui jusqu’à notre départ. On
n’est pas contre mettre un terme aux complications. On en a eu assez comme ça
pendant le trip et trouver un hôtel avec chien et board bags demanderait encore
de l’énergie. On accepte donc volontiers son invitation et passons ainsi nos
journées vautrés sur son canapé à ne rien faire. Après sept mois de vadrouille
sur l’eau et sur les routes, on apprécie de ne plus bouger et de ne plus
penser. De son côté, ça ne le dérange pas plus que ça vu que la maison est en
bordel total. Il s’agit en fait de la maison de sa mère qu’il vient de placer
en maison de retraite qu’il faut vider, réparer et revendre. Elle est sans
dessus dessous et fréquentée en continue par les ouvriers ou les membres
d’association de charité. Ce n’est donc ni notre présence, ni celle du chien ou
celle des bags en plein milieu qui peuvent le déranger.
Samedi 18 août : Washington DC
On apprécie donc à fond notre
nouvelle sédentarisation. Pas de route, pas de truck stop, pas de pleins à
faire trois fois par jour, pas de restriction d’électricité ou d’eau… ça a du
bon. Mais après trois jours de farniente bien mérités, on arrive à se secouer
pour aller voir à quoi ressemble Washington DC. Le métro nous jette en plein
centre, sur la 13ème rue et nous découvrons à peine trois blocks
plus loin la célèbre « White House », avec son grand parc. Elle est
finalement beaucoup plus petite qu’on ne se la représente alors que le capitole
est lui beaucoup plus imposant. Dans le même quartier, il y a également une
multitude de bâtiments officiels avec une décoration assez lourde de colonnes,
frontons et tout le tra la la. Tout est carré, soigné, propre. Rien ne dépasse.
Même les enseignes des quelques magasins et fast-foods se font discrètes, ce
qui n’est habituellement pas le cas aux USA… Nous ne trouvons rien
d’extraordinaire ici mais on ne pouvait quand même pas passer une semaine à
Washington sans venir visiter la ville. Notre curiosité assouvie, une fois
n’est pas coutume, on rentre dans un musée. Tous les musées de la ville se concentrent
dans la même zone et sont gratuits le samedi, alors autant en profiter. On
visite tout d’abord le musée des arts, puis celui de l’air et de l’espace qui
retrace l’histoire de l’aviation (histoire de mettre Laeti dans l’ambiance pour
l’avion…) et de la conquête spatiale. On remarque que ce dernier, avec ses
maquettes géantes, ses capsules d’astronautes et ses films en 3D fait beaucoup
plus recette que le premier… On rentre par Pennsylvania Avenue en passant
devant le F.B.I. Building. On a notre dose de ville, de bruit et de pollution
alors on reprend la route de Mc Lean pour les derniers préparatifs avant le
retour à la maison !
Lundi 20 Aout : le retour
Ça y est. Nous sommes arrivés au
bout de notre périple. Il ne nous reste plus que l’épreuve de l’aéroport et de
l’embarquement de notre bazar à passer. Mais on la redoute. On a réussi à faire
enregistrer le chien dès la réservation de notre billet alors il ne devrait y
avoir aucun problème à ce niveau. En revanche, concernant les bags, ça s’annonce
plus compliqué. Nous avions fait une demande pour des bagages spéciaux en
donnant les dimensions des board bags qui a été acceptée, mais nous savons
pertinemment que nous sommes au-dessus de la limite de poids autorisée. Et on
ne sait pas trop comment les membres d’Air France vont le prendre… Pour avoir
le temps de se retourner au cas où, on préfère arriver à l’aéroport bien en
avance. On arrive timidement, mais pas discrètement, au comptoir des
enregistrements dès son ouverture. Bizarrement, tout a l’air de rouler. Les
papiers du chien sont faits en une minute et le porteur est sur le point
d’embarquer nos bags sans même les avoir pesés. Nous n’osons pas y croire, et
on a raison… Un nouvel employé débarque, le genre à aimer que les choses soient
bien faites, en annonçant qu’il est impossible d’embarquer avec un tel bordel
sans même l’avoir peser. Il colle sur la balance nos bags qui explosent bien
sûr la limite de 23 Kg autorisée en écrasant l’aiguille sur le 45 Kg. En voyant
ça, il manque de s’étouffer et décrète qu’il est impossible d’embarquer. Il
prétend que de toute façon la soute ne serait pas assez grande pour ça. On n’a
un peu de mal à le croire étant donné que l’on est censé embarquer sur l’A 380,
le plus grand avion du monde… Mais discuter de ça avec lui ne nous mènerait à
rien. On joue donc la carte de « On comprend bien que ça n’est pas votre
faute, mais on vous assure, on avait bien dit à Air France que les sacs
seraient très lourds… bla, bla, bla ». Bref, on met tout sur le dos d’Air
France et de leur mauvaise organisation et on essaie de ne pas s’énerver. Après
avoir remesuré, repesé, pris et envoyé des photos aux personnes qui chargent
les bagages dans l’avion, il nous annonce qu’on pourrait « peut-être»
embarquer mais à condition de ré-empacker notre bastringue dans trois sacs au
lieu de deux. Ben voyons, voilà une bonne manière de nous faire payer trois
suppléments au lieu de deux, car on ne voit pas bien comment le fait d’avoir
trois bags rendrait la soute de l’avion plus grande. On essaie bien de négocier
encore un peu mais voyant qu’on n’arrivera à rien, on s’exécute. On utilise la
housse d’une board comme un bag et on la bourre de tous les trucs les plus
lourds. Une fois le transfert réalisé, on doit retourner sur la balance.
Verdict : 35 Kg par bag. On est encore bien loin des 23 kg réglementaires,
mais on ne peut pas faire mieux. On n’a plus qu’à payer la différence en
excédent de bagages. On n’aurait jamais acheté les kites si on avait su que
l’on serait obligé de prendre l’avion et on a une petite pensée pour la
personne qui nous a mis dans cette situation car la note d’excédent est
faramineuse. Mais on n’a pas le choix, on ne va pas laisser notre matos devant
l’aéroport. Après trois heures de négociation et de re-packetage, on voit enfin
partir notre bazar. On doit aussi laisser Nouky. Ce dernier s’est rendu fou à
nous voir déballer tous les sacs et se retrouve super stressé. En le voyant
comme ça, on préfère lui faire avaler une petite pilule pour tenter de
l’apaiser et on le confie, non sans appréhension, à un membre d’Air France. Enfin,
à 17 h, notre gros Airbus quitte le sol américain et s’envole pour l’Europe. Le
nez collé au hublot on dit au revoir aux US, réalisant que cette fois le trip
est bien définitivement terminé. Il ne nous reste plus qu’à récupérer la
voiture de loc à Paris et à tracer tout droit vers le sud pour retrouver la
maison.
Mardi 21 août : Lorgues, Var, France
Quelques heures, deux films, deux
repas, six heures de décalage et à peine quelques turbulences plus tard, nous
atterrissons à Charles de Gaulle. On récupère une superbe Logan qui en une
seconde se retrouve chargée à bloc. Déjà les kilomètres et les panneaux
défilent. Ils sont écrits en français, les routes sont étroites, il n’y a pas
de fast-food tous les dix mètres, plus aucun truck énorme ne nous double et on
doit payer l’autoroute. A l’intérieur de nous se mêlent soudain les sensations
de revenir à la fois d’un très long trip et de n’être parti que trois jours
auparavant.
Pendant que l’asphalte défile
sous nos roues, on se repasse le film. Le départ de Saint Nazaire avec la
France sous la neige. Le cargo et la traversée de l’Atlantique. La Guadeloupe,
enivrante, avec autant de paysages différents que de spots. Trois semaines dans
les eaux turquoise des Antilles en passant par Antigua, Barbuda, Saint Barth,
Saint Martin, Anegada et les Iles Vierges. Un mois sur Porto Rico, la plus
américaine des îles hispaniques. La folle traversée sur le deuxième cata et
notre débarquement intempestif en République Dominicaine. Une semaine surprise
les pieds dans l’eau à Cabarete. Le vol au-dessus des Bahamas et notre arrivée
à Miami. La laborieuse recherche du camion et ses multiples rebondissements. La
traversée express des US d’est et ouest. Les fabuleux parcs américains de l’Arizona,
l’Utah, le Wyoming, l’Idaho, le Nevada et la Californie. Un mois de folie dans
les magnifiques vagues de Baja. Et enfin la deuxième traversée des US, d’ouest
en est, interminable, en passant par l’extravagante Vegas et la démesurée New
York.
Laetitia prend le volant car je
tombe de sommeil. En somnolant sur le siège passager, les ressentis et les
souvenirs du voyage se mélangent. Notre trip m’apparait tour à tour comme un
périple totalement fou, fatiguant, difficile et faisant déjà malheureusement
parti du passé. Mais en même temps, je me remémore tout ce que l’on a vécu d’incroyable,
tous ces instants magiques, en dehors du temps, dans des endroits
extraordinaires. En un mot la vie, concentrée en sept mois de voyage, un cargo,
deux voiliers, un camping-car, neuf voitures de location, trois avions, deux
hôtels, trois apparts, douze nuits de camping. Un périple aussi entre les
saisons, de la neige au soleil, puis de nouveau vers la neige avant un retour à
l’été. Au compteur, ça donne une longue balade de 1 200 kilomètres à la
voile, 6 000 entre les conteneurs, 8 000 dans les airs et 24 000
sur le goudron. L’équivalent d’un tour du monde. Et des eaux turquoise et
chaudes des Caraïbes aux eaux froides et sombres du Pacifique, des forêts
tropicales des îles aux forêts de séquoias, du désert aride du Mexique aux rivières
sauvages du Wyoming, du sommet de la soufrière au bouillonnant Yellowstone ou
encore de la fournaise du Nevada à la neige de l’Idaho, nous n’avons pas fait
le tour du globe mais nous avons pourtant bien l’impression d’avoir fait le
tour des merveilles qu’il est capable d’offrir.
A peine le temps de repenser à
tous ces moments fabuleux que ça y est, nous nous faufilons déjà entre les
vignes varoises et nous dépassons le panneau « Lorgues » qui marque
la fin définitive du trip, la fin d’une vie libre et sans horaires et le retour
à la vie « normale ». Heureusement, trois choses nous empêchent
d’être trop déprimés à l’idée de retourner travailler : revoir la famille
et tous les potes, retrouver notre belle Provence et de nouveaux projets en
perspective !!!
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