samedi 1 septembre 2012

The end... (texte)


Mardi 31 juillet : Las Vegas

Nous sommes de retour aux Etats-Unis. Après un mois passé dans le désert, on retrouve la civilisation américaine et ses larges routes, ses énormes pickups, ses innombrables fast-foods et ses gigantesques supercenters. On ne s’attarde pas à San Diego et prenons rapidement la route du Nevada et de l’une des villes les plus démesurées qui soit : Las Vegas. Nous n’avions pas eu le temps de nous y arrêter lors de notre visite des parcs et avons quand même envie de découvrir cette ville complètement folle, même si l’été n’est à priori pas la meilleure saison pour s’y rendre. On va passer en quelques heures du rien au tout, ou du tout ou rien, selon chacun, et de la fraicheur du Pacifique à la fournaise de la région la plus surchauffée des US. On s’attend à payer cher notre virée dans le désert en plein cœur de l’été puisque depuis des semaines tout le monde nous répète que « Vegas is sooo hot in summer, it’s terriiibbbllllleeee ! ». On s’attend donc à cuire à l’étuvée, tout doucement, dans Winnie.

On plonge vers l’intérieur du continent et longeons un moment le désert de Mojave. La température augmente proportionnellement aux kilomètres parcourus, jusqu’à ce que l’on voie apparaître à l’horizon une grosse ligne de nuages. On croise les doigts pour que la route se glisse dessous afin qu’ils atténuent un peu la chaleur. Et notre vœu est exaucé bien au-delà de ce que nous espérions. Nous passons sous les nuages au moment où des éclairs zèbrent le ciel et la pluie se met à tomber. Tout d’abord assez fine, elle se transforme en quelques minutes en véritable déluge. Non, ce n’est pas possible. On a du mal à y croire, dans la zone la plus aride et la plus chaude du pays, on se prend la pluie, en plein été ! On commence à se poser des questions… A chaque fois que l’on se rend dans un endroit réputé très sec, il pleut. Il avait carrément neigé lors de notre traversée du désert d’Atacama et on s’était pris une bonne rincée dans le Sahara. Quelle bizarre influence avons-nous sur la météo (?!). Et si au lieu d’attirer la pluie on pouvait plutôt attirer les grosses vagues… Enfin pour l’instant, nous sommes ravis de cette blague du climat. Grâce à la pluie il fait bon et l’on arrive bien frais à destination. Comme dit Laeti, tant pis pour l’ambiance désert surchauffé, chaque heure de prise au frais est une heure de gagnée et on aura bien le temps de mourir de chaud plus tard sur la route.

L’orage se calme et une petite heure plus tard nous voyons surgir de nulle part, au beau milieu du désert, les célèbres édifices bâtis à coups de milliards de dollars. On sort de l’Interstate pour s’engager sur Las Vegas Boulevard, alias le Strip. Même si l’on est censé être en saison creuse, le Strip est bondé. Ça grouille véritablement de touristes sur les trottoirs et au pied des hôtels. Après un mois en tête à tête avec des cactus, on en a le tournis. Mais pour l’instant, nous ne faisons que passer car il faut tout d’abord penser à se loger. La température pendant la journée peut atteindre 45°, alors il est primordial de pouvoir faire fonctionner la clim. Comme nous ne comptons pas imposer à Nouky la visite des casinos et que nous avons fait le plein du frigo et du congel en prévision de la route, il faut  que la température reste clémente dans le camion. Nous avons trouvé un camping situé juste à côté du Strip où l’on pourrait se brancher sans problème, mais on aimerait tenter de trouver un hôtel. Après trois mois dans le camion, on ne serait pas contre un peu de confort pendant un jour ou deux… On avait repéré sur internet un hôtel qui acceptait les chiens, le Clairion, alors avant d’aller au camping on décide d’aller y jeter un œil. L’hôtel n’a pas de parking abrité et il paraît difficile d’y laisser le camion garé en plein cagnard pendant plusieurs jours sans avoir de dégâts. Mais pour l’instant, l’orage a rafraichi l’air. On décide donc de se prendre une première nuit à l’hôtel, et au pire d’aller au camping le lendemain si le thermomètre s’emballe. Après le petit espace de notre camion, nous trouvons la chambre immense. Et comme nous n’avons pas cessé de rouler (certes pas toujours très vite) depuis notre départ de San Carlos, on est un peu crevé. On décide donc de passer la fin de la journée à ne rien faire. Nous préférons profiter, comme de vrais touristes, de ce confort temporaire en nous prélassant dans le king size bed. Le Strip attendra.

Mercredi 1er août : Le Strip

Après une bonne nuit de repos, on décide de quitter, à regret, l’hôtel. Le soleil est revenu et le mercure est bien remonté. A neuf heures du matin, la température est déjà presque insupportable dans le camion. On va donc s’installer au camping Circus Circus situé au nord du Strip afin de pouvoir se raccorder à l’électricité et faire tourner la clim. Une fois branché, on part découvrir le Strip. Las Vegas est fidèle à sa réputation. Tout est dans la démesure et dans le tape à l’œil. Les hôtels se sont lancés dans une course au plus luxueux, au plus grand, au plus fou. Chaque hôtel possède son casino, ou plutôt chaque casino possède son hôtel. On rentre en général dans les établissements directement par les salles de jeu qui sont de véritables labyrinthes et qui s’étirent sur des distances incroyables. On dirait que les bâtiments sont aussi hauts que longs. On n’en voit pas la fin et on se perd à coup sûr. Sans boussole ni GPS, difficile de s’y retrouver. Et entre les milliers de machines, de tables, les multiples restaurants et boutiques, tout est fait pour que l’on perde la notion du temps, et surtout la notion de l’argent dépensé. Et à voir les mines de certains, ça à l’air de bien fonctionner…

Dans la rue, c’est le soir que Vegas prend toute sa dimension. Chaque hôtel offre un show gratuit afin d’attirer la foule. De l’éruption d’un volcan au Mirage, au naufrage d’un bateau pirate au Tresor Island, et en passant par le balai de milliers de jets d’eau du Bellagio, on en prend plein les yeux. Et entre ces spectacles, on voyage d’un univers à l’autre, d’un pays à l’autre. Un instant sous la Tour Eiffel et l’Arc de Triomphe, on se retrouve quelques pas plus tard sur le pont du Rialto, à regarder passer les gondoles, puis en plein milieu d’une fête foraine avec acrobates et trapézistes. Dans la galerie du Caesar Palace, on peut se balader pendant des heures dans des rues italiennes reconstituées sous une voute représentant le ciel. En marchant parmi les centaines de boutiques, notre allure nous donne l’impression, par un effet de trompe l’œil, que les nuages sont en mouvement dans le ciel artificiel ! L’effet est vraiment bluffant, et on ne sait finalement plus, à Vegas, distinguer le vrai du faux.

On peut ne pas aimer cette débauche de luxe et d’argent mais on ne peut ignorer les prouesses techniques et l’inventivité des concepteurs. La cité est le lieu rêvé pour tout architecte sponsorisé à coup de milliards. On a l’impression qu’ici ces derniers ont laissé déborder leur imagination en poussant leur inventivité à l’extrême, sans aucune limite ni contrainte. C’est comme si, dans ce pays où la nature a produit d’innombrables merveilles, l’homme avait voulu se surpasser pour montrer qu’il était lui aussi capable de créer des choses extraordinaires. Et il y a réussi, même si la contrepartie, écologique notamment, risque de se payer cher.

On passe ainsi deux journées et deux nuits à arpenter les rues de la plus fréquentée des villes du Nevada, jusqu’à en avoir mal dans toutes les articulations des jambes. Nous sommes rompus et courbaturés, mais contents d’avoir découvert Las Vegas qui représente l’un des symboles des US. C’était certainement la visite qui nous ressemble le moins et qui était aux antipodes de ce que nous recherchons habituellement, mais nous voulions absolument y passer, par curiosité, pour justement voir ce que nous n’avons pas l’habitude de voir. Mais après deux jours passés dans ce monde parallèle complètement fou, il est temps de revenir à la réalité et à penser à reprendre la route…

Vendredi 3 août : On the road… again

On lève le camp ce vendredi sous un soleil de plomb et la chaleur qui va avec. On quitte ce monde artificiel avec regret. Non pas que Vegas soit la révélation du trip car pour rien au monde on ne vivrait ici, mais parce que l’on sait que nous attendent plus de 4000 kilomètres de route à faire en cinq jours jusqu’à New York. La joie ! On se remet donc en monde routier. C’est-à-dire que l’on met notre cerveau au placard et qu’on ne s’arrête que pour dormir dans un truck stop. Cette fois-ci, étant donnée la distance, on ne peut pas prendre notre rythme habituel qui ne prévoit que de courts dodos, et on s’impose de s’arrêter tôt dans la soirée afin de s’accorder de vraies nuits. En revanche, depuis le moment où l’on allume le moteur le matin à 8 heures jusqu’au soir à 20 heures, il n’est plus question de couper le contact. Et si en se relayant on arrive à faire quelques siestes à l’arrière, Winnie lui, ne s’arrête jamais. A ce rythme, les deux premiers jours sont monotones mais passent sans encombre. Le troisième jour, on attaque la seconde moitié de la route, la vingt-cinquième lecture du répertoire de zik et on commence à en avoir marre et à trouver ça long. Le quatrième, on se dit qu’il faut être complètement débile ou masochiste pour s’imposer une telle traversée. Et le cinquième, on décide que si l’on ne voit pas le panneau « New York » avant la fin de la journée, on balance le camion dans le fossé et on rentre par n’importe quel moyen. Nouky, quant à lui, est devenu complètement dépressif. Depuis que nous avons quitté San Carlos, il est bouclé dans le camion et attaque désormais sa dixième journée de route (que Winnie avance ou non, pour lui ça ne fait aucune différence) et la plus mauvaise partie de son voyage. Lorsque l’on finit par s’arrêter, il ne veut même plus sortir. Il faut le tirer pour l’amener faire ses besoins et, là encore, il freine des quatre pattes. Dans ce contexte, on n’ose même pas lui dire qu’il va falloir qu’il reprenne l’avion… Et nous faisons tout ça avec la crainte d’une panne potentielle vu l’âge avancé de notre engin. A chaque fois que l’on dépasse quelqu’un qui est tanké sur le bas-côté ou que l’on évite un pneu éclaté en travers de la route, on prie le dieu des Winnebagos pour qu’il ne nous laisse pas en carafe…

Pour traverser le pays, nous n’avons pas choisi d’emprunter la célèbre route 66, mais les Interstates 70, 76 et 80. Moins mythiques mais plus rapides, elles coupent le pays en ligne droite, au détriment des points d’intérêts touristiques… La seule exception à la monotonie de la route sera la traversée de l’Utah, après avoir quitté le Nevada. Egal à lui-même, cet état nous offre encore une fois un spectacle époustouflant. A la fin de la première journée de route, au moment où nous quittons définitivement le grand ouest américain, ce dernier nous régale une dernière fois d’un de ses couchers de soleil fantastiques, comme pour nous dire au revoir. La gorge un peu nouée, nous regardons dans le rétroviseur le soleil et le désert disparaître dans la nuit. Un peu comme un symbole, la fin du jour marque aussi la fin de notre trip. Devant nous, mis à part un court séjour à NY, il n’y a plus que la route et la revente du camion, puis ce sera le retour. Cela nous laisse un moment silencieux pendant que nous roulons.

Si le Colorado nous offre encore la fraîcheur de ses montagnes, à partir de Denver, le paysage ne nous apporte plus aucune distraction… A peine passée la ville, les Rocheuses se sont brusquement effondrées pour laisser la place à une plaine interminable qui s’étend jusqu’à l’océan Atlantique. Celle-ci ne présente qu’une désolante alternance de champs de maïs, de petites villes, de supercenters et de truck stops, dont seul l’ordre d’apparition peut constituer un changement. Nous traversons ainsi, sans vraiment se rendre compte que l’on change d’état, le Nebraska, l’Iowa, l’Indiana, l’Ohio, l’Illinois, la Pennsylvanie et le New Jersey.

Mercredi 8 août : Marin boulevard, New Jersey City

Quand on voit enfin les panneaux New York City, un énorme soulagement parcourt le camion. On se rend directement au Liberty Harbor Campground de New Jersey City. C’est la seule possibilité pour nous de se loger à NY, puisque c’est le seul camping de la ville. Enfin, en fait de camping, il s’agit d’un simple parking sur lequel les propriétaires jouent à Tétris avec les camping-cars pour en caser le plus possible. On se retrouve donc coincé entre trois camions gigantesques. On pensait être déjà bien serré comme ça, mais c’était sous-estimer les capacités mathématiques des responsables. Même lorsque qu’il n’y a plus de place, ces derniers arrivent encore à caser un cinquième camion au milieu. Ainsi, si à San Carlos c’est le bruit des vagues qui nous berçait, ici ce sont désormais les ronflements des voisins d’à côté… Pas très romantique, mais très pratique, ce camping est cependant parfaitement situé pour découvrir la ville. Installés en face de Manhattan, nous pouvons rejoindre la city en un coup de métro ; un argument que les proprios ont d’ailleurs bien intégré pour en faire le parking le plus cher du monde… Mais peu importe, en arrivant, on est rincé, et on n’a qu’une seule envie, ne plus bouger. Une fois installé, on regarde les gratte-ciel en face, puis la carte des USA et on pousse un cri de joie : « We did it ! ». Mais au lieu de profiter du reste de la journée pour nous reposer et savourer notre petite victoire, il faut encore s’activer. Quelques jours avant d’arriver, nous avons posté une annonce pour vendre le camion et nous avons déjà quelques réponses de personnes qui souhaiteraient le voir. En vue des visites potentielles que nous pourrions avoir le lendemain, on commence donc à nettoyer le camion de fond en comble pour le rendre plus présentable, et on finit (une nouvelle fois) très tard et très fatigué. Mais qui a dit un jour que les vacances servaient à se reposer ?

Jeudi 9 août : Empire State Building

Comme malgré la description dithyrambique que nous avons faite de Winnie aux pseudos acheteurs, nous n’avons finalement aucune visite de prévue pour la journée, nous partons visiter New York. On prend le subway côté New Jersey, et celui-ci nous balance côté New York City, à l’angle de la 32ème rue et de la 6ème avenue, dans le petit Herald Square. De là, on est juste à côté de l’Empire State Building et il suffit de lever la tête pour apercevoir le géant dont la célèbre antenne pointe vers le ciel.
En se dirigeant vers l’Empire State, on ne résiste pas aux hot-dogs des innombrables vendeurs ambulants. On tient absolument à goûter ce cliché américain dont se nourrissent systématiquement les new yorkais dans les films. On s’acquitte des deux dollars de droit d’entrée pour ce standard culinaire made in USA et récupérons en échange… deux microscopiques sandwichs à la mine fatiguée. Mais on ne se laisse pas décourager par une si triste vision et croquons à pleines dents dedans. Malheureusement, notre palais confirme ce que notre vue supposait : le mythique hot-dog new yorkais n’est en fait qu’un tout petit pain au lait mollasson affligé d’une malheureuse saucisse que masque une sauce indéfinissable. La déception est grande ! Toutefois, nous arrivons à la surmonter en pensant que d’autres grands symboles de New York nous attendent, et l’on se rend à L’Empire State Building. Depuis le 11 septembre, ce dernier est redevenu le plus haut sommet de New York, en attendant que le nouveau World Trade Center le détrône à nouveau. Et comme la vue mythique qu’il offre sur la ville est certainement moins décevante que le petit rataillon culinaire qui se vend à ses pieds, on décide de se payer son ascension.

Devant l’entrée du célèbre building, on se fait assaillir par une horde de rabatteurs qui vendent toutes sortes de tickets pour la visite du bâtiment et autres excursions. On opte pour un combo 86ème étage du building et petite virée en bateau pour découvrir la ville.

On décide de garder notre billet pour les hauteurs de Manhattan pour le coucher du soleil et on commence par la balade en bateau. On découvre ainsi la plus française des statues américaines qui trône sur l’îlot « Liberty Island », Ellis Island, le quartier des affaires, Brooklyn et les ponts qui le relient à Manhattan, le Brooklyn Bridge, le Manhattan Bridge et le Williamsburg Bridge. Grâce à l’excursion, on arrive, sans trop se fatiguer, à faire le tour de Manhattan et à se faire une idée de la big city. 

En fin de journée, on retourne à l’Empire State Building pour profiter du spectacle qui nous y attend. Mais avant, on décide de goûter un nouveau cliché de la haute gastronomie new yorkaise, le Frapuccino, sorte de croisement entre le milk shake et le café glacé et recouvert de suppléments, bref, l’autre truc que les new yorkais tiennent à la main dans les films quand ça n’est pas leur portable. On s’arrête donc en commander un et, histoire de compenser notre déconvenue précédente, on ne lésine pas sur les options caramel, chantilly… etc. Et là, on n’est pas déçu. On se retrouve avec un engin gigantesque, atrocement calorique, mais absolument délicieux. C’en est tellement dégoulinant de caramel que, lorsque l’on se balade dans la rue en tenant fièrement notre composition à la main, les new yorkais nous arrêtent pour nous dire avec envie que notre truc a l’air drôlement bon. 

Ainsi repu, on peut s’attaquer à l’ascension des 86 étages de l’Empire State… en ascenseur. Celle-ci se fait de manière fulgurante, en quelques secondes à peine, jusqu’au 80ème étage. De là, il faut reprendre un second ascenseur pour les six derniers étages, mais pour atténuer un peu les scrupules que l’on pourrait avoir d’avoir englouti un frapuccino aussi énorme, on décide de les gravir par les escaliers. Au sommet, à la base de l’antenne à laquelle King Kong s’accroche (chacun ses références), une coursive fait le tour du bâtiment. On y a donc des points de vue sur tout New York. La vue est déjà exceptionnelle de jour, mais elle devient vraiment magique lorsque la nuit tombe et que Manhattan s’illumine de toutes parts. Après trois heures passées au sommet du géant, on fait encore quelques pas dans la ville puis on reprend la direction du camping. 

Juste avant de me coucher, je pars comme d’habitude avec Nouky pour sa sortie du soir. Comme il n’y a personne sur le parking à cette heure-là, je décide de le lâcher. Sauf que je commets une erreur en pensant qu’il n’y a personne. Une sorte de petite bestiole, plutôt mignonne, avec un joli pelage noir, un museau blanc et une longue queue à la verticale, fait également sa promenade du soir. Nouky ne tarde pas à vouloir faire connaissance, même si l’intérêt n’est manifestement pas réciproque. Dans le doute, je préfère récupérer le chien pour éviter les ennuis. Je rentre au camion avec lui, mais étant donnée l’odeur qui se propage rapidement dans le camion, je comprends instantanément que Nouky vient de copiner avec… un putois !

Vendredi 10 août : WTC

Le lendemain, après avoir vigoureusement shampouiné notre poilu pour tenter de le débarrasser de son odeur infecte, nous partons à la découverte de la partie sud de la ville, Downtown. Malheureusement, à la sortie du métro, nous sommes accueillis par des trombes d’eau. Mais comme nous ne sommes à New York que pour trois jours, il nous en faudra plus pour nous décourager. On s’achète deux parapluies et continuons notre visite. On se rend près du chantier des tours du nouveau World Trace Center qui, bien qu’inachevées, sont déjà vertigineuses. On est juste à côté du mémorial du 11 septembre alors on décide d’aller y jeter un œil. Mais nous sommes aux US et ici rien n’est jamais simple. L’entrée est gratuite, on devrait donc pouvoir s’y rendre directement. Mais non, il faut aller prendre des tickets (?), à un autre endroit (re ?), et faire une queue aussi longue que la rue (!). Tant pis donc pour la commémoration. De toute façon, nous n’avons pas vraiment besoin de voir une sorte de bassin fontaine pour réaliser le traumatisme qu’à du représenter cette journée pour les new yorkais. Il n’y a qu’à regarder l’environnement autour de nous pour imaginer le cataclysme qu’à du déclencher l’effondrement des deux tours au milieu de ces gratte-ciel gigantesques. On continue donc notre balade vers le City Hall et le Brooklyn Bridge, un des plus vieux ponts suspendus du monde. Heureusement, la pluie s’est arrêtée et le soleil pointe à nouveau le bout de son nez. En revenant sur Manhattan, on traverse Wall Street et le quartier des affaires avant de remonter sur Soho, Little Italy et Chinatown. On est toujours aux US mais en quelques rues seulement, on se retrouve entouré de chinois dans des rues où tout est écrit en mandarin. Après ces kilomètres de marche, on abdique pour rejoindre le camion.

Il est tard et nous savourons d’avance le moment où l’on va enlever les chaussures pour se jeter sur le lit. Cependant, à peine nous avons ouvert la porte du camion, nous n’avons qu’une envie : repartir en courant ! Malgré le shampouinage du matin, Nouky empeste, et le camion avec. Notre pauvre quatre pattes est ravi de nous revoir et souhaite absolument nous sauter dessus, et il ne comprend pas du tout pourquoi on le fuit dès qu’il s’approche. Nos voisins canadiens nous apprennent le lendemain matin que le responsable de cette puanteur est en fait une moufflette. Mais pour nous, moufflette ou putois, on s’en fiche complètement. La question que l’on se pose maintenant c’est : comment va-t-on réussir à vendre le camion avec cette odeur ?

Samedi 11 août : Times Square

C’est déjà notre dernière journée de visite de la grande pomme et celle-ci va être courte car nous avons enfin une visite de prévue pour le camion en fin de journée. On commençait vraiment à se désespérer car malgré de nombreux messages reçus suite à l’annonce, nous n’avions toujours vu personne. Les acheteurs, sitôt qu’ils entendent notre accent, s’enfuient à toute allure. Ils sont terrifiés par les arnaques internet, réalisées en générale depuis l’étranger, et sont devenus complétement paranos dès qu’ils entendent un accent. Ça nous rend dingue. Même ceux qui se montrent les plus intéressés prennent la fuite dès qu’ils ont un doute, sans même prendre la peine de vérifier qu’il ne s’agisse pas d’une arnaque. Pour l’instant, on a décidé de ne pas trop se prendre la tête avec ça et de laisser le problème pour la dernière semaine qui sera entièrement dévouée à la revente du camion, mais on ne veut quand même pas rater une occasion. On décide donc de partir tôt le matin afin d’être de retour en fin d’aprèm pour la visite.

En attendant, on repart pour Manhattan et nous prenons cette fois la direction du nord à partir du Herald Square. On remonte tantôt par la 5ème, tantôt par la 6ème avenue au milieu d’innombrables et gigantesques tours. On se sent microscopique et on a le torticolis. On va voir le Rockfeller Center mais à part un immense magasin Légo rempli de maquettes hallucinantes, on y trouve rien de passionnant. On pousse encore pour rejoindre Central Park qui se révèle tellement immense qu’il est impossible d’en faire le tour dans le temps qu’il nous reste et on ne peut que le traverser rapidement dans sa partie sud. C’est un poumon de verdure au milieu du béton et de la pollution. Si l’on devait bosser à NYC, c’est sûr, on camperait entre les arbres.

Puis, comme l’après-midi est déjà bien entamée, on commence à redescendre tranquillement vers le métro en empruntant Broadway. Un peu avant d’arriver à Times Square, pour optimiser nos chances de vendre le camion, on décide d’acheter une bombe désodorisante. On ne la croit pas capable de vaincre l’odeur de putois mais peut-être qu’elle arrivera tout de même à la masquer le temps de la visite. Alors qu’on s’apprêtait à rentrer dans le magasin, on assiste tout d’un coup à une scène surréaliste. On voit un mec, un black, courir au beau milieu de la 7ème avenue en brandissant quelque chose à la main. Il est suivi par une vingtaine de policiers qui le mettent en joue. Tout autour, des centaines de badauds les suivent en se poussant afin de ne rien perdre du spectacle. Téléphone à la main, ils tentent tous d’immortaliser ce qui se passe devant eux. Et en quelques secondes, la scène devient irréelle. Des dizaines de voitures de flics déboulent toute sirène hurlante et à toute allure entre les passants, au risque de les renverser. La rue est bouclée, la circulation bloquée et d’autres flics à pied débarquent par dizaines. On n’en croit pas nos yeux. On pense que s’ils font tout ce déploiement pour un seul homme, c’est qu’il doit être vraiment dangereux. On se dit même qu’il doit avoir sur lui une bombe ou un truc comme ça. On se détourne de la scène pour aller acheter notre bombe anti-mouflette pensant que les policiers, vu qu’ils doivent être maintenant une centaine, arriveront bien à arrêter le gars et que l’affaire sera vite réglée. Or, quand nous sortons du magasin, on voit que le carrefour est désormais bariolé de bandes noires et jaunes et on assiste à un défilé d’ambulances. On se rapproche pour tenter de comprendre ce qui s’est passé et on apprend que le mec s’est fait abattre de plusieurs coups de feu parce qu’il tenait à la main un couteau. On n’en revient pas. Un simple gars, seul, contre tous ces flics et ils n’auraient pas réussi à le neutraliser… ? Les explications des passants sont tout bonnement extraordinaires et en disent long autant sur l’objectivité humaine que sur les tensions raciales aux USA. Sans le faire exprès, on interroge d’abord un black. Il est en colère et visiblement écœuré « c’était un seul gars, avec un petit couteau (il écarte les doigts pour montrer une lame d’environ dix cms), ils lui ont tiré dessus, comme un chien, ils ne voulaient pas l’arrêter mais le tuer parce que c’est un noir ». Quelques mètres plus loin une femme blanche est, elle, visiblement soulagée « il y avait un fou furieux avec un couteau énorme (elle écarte les mains d’une cinquantaine de centimètres), incontrôlable, c’était effrayant, ils ont bien fait de l’abattre », et elle ajoute « faites attention dans la rue, regardez partout autour de vous »…

On continue notre route interloqué et ne sachant pas quoi penser de l’affaire. Abattre un type parce qu’il a un couteau alors qu’il est seul et encerclé par des dizaines de policiers nous semble incroyable. Ils n’ont pas de tazzers ? Ils ne pouvaient pas lui tirer dans les jambes ? Dans tous les cas, le dispositif nous semble disproportionné. Que se passerait-il en cas de problème grave, c’est l’armée qui serait convoquée dans les cinq minutes ?

On arrive à Times Square, un quartier complètement fou, à l’image des USA. Des écrans géants de la taille d’un immeuble habillent les gratte-ciel. Ça clignote dans tous les sens et notre rétine est attirée de tous les côtés. Il y a des pubs de partout, des magasins dans tous les coins, une grande roue à l’intérieur du ToysRus et un énorme magasin M&M’s. J’adore cet endroit. Il fait vraiment cliché mais incarne parfaitement la démesure et la surconsommation américaine. 

Après ce dernier bain de foule et de folie, on retourne sur Marin Boulevard pour notre rendez-vous. Le gars, Joe, est sympa et ne semble pas dérangé par l’odeur de la mouflette, habilement dissimulée derrière une délicate odeur de « brise hawaïenne ». Il semble intéressé et nous dit que Winnie est clairement le meilleur camion qu’il ait visité jusque-là, mais le problème, c’est qu’il voudrait l’acheter pour aller vivre sur la côte ouest et l’utiliser au passage pour son déménagement. Il hésite encore à prendre un transporteur ou acheter un camping-car et nous promet de se décider d’ici le lendemain.

Dimanche 12 août : Philadelphia

Au réveil, le verdict tombe, on ne fera pas affaire avec lui. On n’a pas d’autres touches sur New York donc on se résout à prendre la direction de Washington DC. On a réservé un vol à partir de cette ville car Bill, un windsurfeur rencontré à San Carlos, y réside et nous a proposé de venir se garer devant chez lui pour notre dernière semaine aux US. On a tout de suite accepté sa proposition car les campings à Washington sont hors de prix et assez excentrés, ce qui n’aurait pas été très pratique pour la revente du camion. On décide juste de ne pas descendre d’une traite mais de faire une escale à Philadelphie qui se trouve sur la route. On y a repéré deux énormes dépôt-vente de camping-car. C’est une solution qui ne nous enchanterait pas mais si nous n’avons pas vendu le camion au moment de partir nous n’aurions alors pas d’autre choix que de le laisser en dépôt. On préfère donc anticiper pour savoir ce qui serait possible de faire avec ce genre de boite et voir à quel prix ils pourraient prendre Winnie.

Lundi matin on va donc frapper à la porte des deux dépôts que l’on a repérés. Dans les deux cas, les vendeurs jettent un œil au camion et nous proposent de le mettre en vente à 6000 $, ce qui nous laisserait entre 4 500 et 5 000 $ pour nous. Le prix pourrait convenir mais laisser le camion et partir à six mille kilomètres de là ne nous enchante vraiment pas. Bill nous a proposé de superviser un peu la vente mais Philadelphie est à trois heures de Washington. On conserve donc en tête cette option au cas où l’on n’aurait vraiment pas d’autre choix mais on se fixe comme objectif, à défaut de vendre le camion, de trouver un dépôt plus proche de Washington.

On arrive en fin de journée chez Bill qui nous ouvre gentiment sa maison. Il habite à Mc Lean, dans la proche banlieue de Washington, dans un quartier typiquement américain. Toutes les maisons sont alignées et parfaitement entretenues. Toutes arborent fièrement un drapeau américain au-dessus de la porte, un panier de basket à côté du garage et une pelouse tondue au millimètre près. L’élection présidentielle approchant, certains habitants affichent déjà leur préférence en plantant des banderoles dans le jardin. Dans cette rue où aucune voiture garée n’a plus d’un an Winnie fait vraiment figure d’ancêtre et on se demande combien de temps on va pouvoir squatter là avant qu’un voisin n’appelle la police…

Mardi 13 août : Tout ou rien

Etant donné que notre annonce sur la Craigslist n’aboutit à rien de concret, on décide d’en changer le texte en annonçant directement la couleur. On se présente comme un couple de français qui finit son trip aux US et vend son camping-car avant le retour. Au moins les acheteurs savent à quoi s’en tenir et l’on espère qu’ainsi ils ne prendront plus la fuite quand ils verront qu’ils ont à faire avec des étrangers. Parallèlement à ça, comme on n’a pas envie de rester inactif en attendant que le téléphone sonne, on part à Manassas, une petite ville au sud de DC, où se trouve le seul dépôt de la région. Il nous reste moins d’une semaine pour trouver une solution alors il faut se bouger. Après quarante minutes de route, on découvre un énorme RV center où une femme d’une cinquantaine d’année nous reçoit. Elle nous demande de quelle année est le véhicule mais son visage se déforme dans une mimique exaspérante quand elle entend la réponse. Elle semble horrifiée par ce qu’elle entend et nous fait comprendre que pour elle tout camping-car en dessous de 50 000 $ est bon pour la poubelle. Sa grimace et son attitude nous irritent au plus au point et l’on fait un effort surhumain pour ne pas lui mettre des claques. Elle nous donne quand même le numéro de téléphone d’une personne qui rachète des véhicules « aussi » vieux. Mais quand on appelle cette dernière, elle nous en offre 1 500 $, et encore, pour nous faire plaisir. On est dépité. C’était la seule option proche de Washington que l’on avait et on a toujours pas de visites de prévues. On paye peut-être la proximité de la capitale où chaque coin de rue sent le dollar à plein nez. Ça s’annonce mal.

On se rend sur le parking d’un Mc Donald’s pour leur Wifi pour consulter nos mails au cas où l’on aurait des réponses à l’annonce mais on est un peu démoralisé, la fin du trip risque d’être stressante et difficile. Cependant, en ouvrant nos messages on découvre un mail qui semble intéressant. Quasiment au même moment, on reçoit un appel de gens également intéressés. Tous habitent au sud de Manassas. Ceux-là, on est décidé à ne pas les laisser s’échapper et on leur met la pression en leur faisant le coup de « on a beaucoup de visites de prévues…etc » pour qu’ils viennent voir le camion le jour même. On obtient ainsi deux rendez-vous que l’on fixe pour l’après-midi sur le parking d’un WalMart. Même s’il faut y cuire des heures, on les attendra ! Nos deux couples arrivent presque en même temps et confirment ainsi, par miracle pour nous, notre version des nombreuses visites. On ne saura jamais si ça leur a mis la pression, mais le résultat est que l’on finit la journée avec deux offres à 5 000 $, le prix qu’on l’a payé ! On est super content. On passe encore une fois dans la même journée de la consternation à la joie, mais tant que c’est dans ce sens-là, tout va bien… On ne leur laisse toutefois aucun répit, au cas où ils changeraient d’avis, et fixons un rendez-vous pour le lendemain matin à la première heure pour finaliser la vente.

Mercredi 14 août : la pression tombe

Ce matin, on doit livrer Winnie qui, fidèle jusqu’au bout, ne nous a fait aucun mauvais tour au moment de la vente. Les acquéreurs sont un couple sympa avec trois enfants. On leur laisse le camion la larme à l’œil en repensant aux bons moments que l’on a passés dedans, et en le remerciant de nous avoir conduits sans encombre durant plus de 17 000 kilomètres dans des conditions parfois difficiles. Il a quelques fois râlé, grincé, tapé, mais ne nous a jamais laissé en rade sur la route,  même sur la piste de San Carlos.

On est de retour chez Bill à midi, avec nos 5 000 billets dans la poche. Ça y est, on va pouvoir se détendre pour les quelques jours qui nous restent. On pense à se louer voiture et hôtel mais Bill nous propose de s’installer chez lui jusqu’à notre départ. On n’est pas contre mettre un terme aux complications. On en a eu assez comme ça pendant le trip et trouver un hôtel avec chien et board bags demanderait encore de l’énergie. On accepte donc volontiers son invitation et passons ainsi nos journées vautrés sur son canapé à ne rien faire. Après sept mois de vadrouille sur l’eau et sur les routes, on apprécie de ne plus bouger et de ne plus penser. De son côté, ça ne le dérange pas plus que ça vu que la maison est en bordel total. Il s’agit en fait de la maison de sa mère qu’il vient de placer en maison de retraite qu’il faut vider, réparer et revendre. Elle est sans dessus dessous et fréquentée en continue par les ouvriers ou les membres d’association de charité. Ce n’est donc ni notre présence, ni celle du chien ou celle des bags en plein milieu qui peuvent le déranger.

Samedi 18 août : Washington DC

On apprécie donc à fond notre nouvelle sédentarisation. Pas de route, pas de truck stop, pas de pleins à faire trois fois par jour, pas de restriction d’électricité ou d’eau… ça a du bon. Mais après trois jours de farniente bien mérités, on arrive à se secouer pour aller voir à quoi ressemble Washington DC. Le métro nous jette en plein centre, sur la 13ème rue et nous découvrons à peine trois blocks plus loin la célèbre « White House », avec son grand parc. Elle est finalement beaucoup plus petite qu’on ne se la représente alors que le capitole est lui beaucoup plus imposant. Dans le même quartier, il y a également une multitude de bâtiments officiels avec une décoration assez lourde de colonnes, frontons et tout le tra la la. Tout est carré, soigné, propre. Rien ne dépasse. Même les enseignes des quelques magasins et fast-foods se font discrètes, ce qui n’est habituellement pas le cas aux USA… Nous ne trouvons rien d’extraordinaire ici mais on ne pouvait quand même pas passer une semaine à Washington sans venir visiter la ville. Notre curiosité assouvie, une fois n’est pas coutume, on rentre dans un musée. Tous les musées de la ville se concentrent dans la même zone et sont gratuits le samedi, alors autant en profiter. On visite tout d’abord le musée des arts, puis celui de l’air et de l’espace qui retrace l’histoire de l’aviation (histoire de mettre Laeti dans l’ambiance pour l’avion…) et de la conquête spatiale. On remarque que ce dernier, avec ses maquettes géantes, ses capsules d’astronautes et ses films en 3D fait beaucoup plus recette que le premier… On rentre par Pennsylvania Avenue en passant devant le F.B.I. Building. On a notre dose de ville, de bruit et de pollution alors on reprend la route de Mc Lean pour les derniers préparatifs avant le retour à la maison !

Lundi 20 Aout : le retour

Ça y est. Nous sommes arrivés au bout de notre périple. Il ne nous reste plus que l’épreuve de l’aéroport et de l’embarquement de notre bazar à passer. Mais on la redoute. On a réussi à faire enregistrer le chien dès la réservation de notre billet alors il ne devrait y avoir aucun problème à ce niveau. En revanche, concernant les bags, ça s’annonce plus compliqué. Nous avions fait une demande pour des bagages spéciaux en donnant les dimensions des board bags qui a été acceptée, mais nous savons pertinemment que nous sommes au-dessus de la limite de poids autorisée. Et on ne sait pas trop comment les membres d’Air France vont le prendre… Pour avoir le temps de se retourner au cas où, on préfère arriver à l’aéroport bien en avance. On arrive timidement, mais pas discrètement, au comptoir des enregistrements dès son ouverture. Bizarrement, tout a l’air de rouler. Les papiers du chien sont faits en une minute et le porteur est sur le point d’embarquer nos bags sans même les avoir pesés. Nous n’osons pas y croire, et on a raison… Un nouvel employé débarque, le genre à aimer que les choses soient bien faites, en annonçant qu’il est impossible d’embarquer avec un tel bordel sans même l’avoir peser. Il colle sur la balance nos bags qui explosent bien sûr la limite de 23 Kg autorisée en écrasant l’aiguille sur le 45 Kg. En voyant ça, il manque de s’étouffer et décrète qu’il est impossible d’embarquer. Il prétend que de toute façon la soute ne serait pas assez grande pour ça. On n’a un peu de mal à le croire étant donné que l’on est censé embarquer sur l’A 380, le plus grand avion du monde… Mais discuter de ça avec lui ne nous mènerait à rien. On joue donc la carte de « On comprend bien que ça n’est pas votre faute, mais on vous assure, on avait bien dit à Air France que les sacs seraient très lourds… bla, bla, bla ». Bref, on met tout sur le dos d’Air France et de leur mauvaise organisation et on essaie de ne pas s’énerver. Après avoir remesuré, repesé, pris et envoyé des photos aux personnes qui chargent les bagages dans l’avion, il nous annonce qu’on pourrait « peut-être» embarquer mais à condition de ré-empacker notre bastringue dans trois sacs au lieu de deux. Ben voyons, voilà une bonne manière de nous faire payer trois suppléments au lieu de deux, car on ne voit pas bien comment le fait d’avoir trois bags rendrait la soute de l’avion plus grande. On essaie bien de négocier encore un peu mais voyant qu’on n’arrivera à rien, on s’exécute. On utilise la housse d’une board comme un bag et on la bourre de tous les trucs les plus lourds. Une fois le transfert réalisé, on doit retourner sur la balance. Verdict : 35 Kg par bag. On est encore bien loin des 23 kg réglementaires, mais on ne peut pas faire mieux. On n’a plus qu’à payer la différence en excédent de bagages. On n’aurait jamais acheté les kites si on avait su que l’on serait obligé de prendre l’avion et on a une petite pensée pour la personne qui nous a mis dans cette situation car la note d’excédent est faramineuse. Mais on n’a pas le choix, on ne va pas laisser notre matos devant l’aéroport. Après trois heures de négociation et de re-packetage, on voit enfin partir notre bazar. On doit aussi laisser Nouky. Ce dernier s’est rendu fou à nous voir déballer tous les sacs et se retrouve super stressé. En le voyant comme ça, on préfère lui faire avaler une petite pilule pour tenter de l’apaiser et on le confie, non sans appréhension, à un membre d’Air France. Enfin, à 17 h, notre gros Airbus quitte le sol américain et s’envole pour l’Europe. Le nez collé au hublot on dit au revoir aux US, réalisant que cette fois le trip est bien définitivement terminé. Il ne nous reste plus qu’à récupérer la voiture de loc à Paris et à tracer tout droit vers le sud pour retrouver la maison.

Mardi 21 août : Lorgues, Var, France

Quelques heures, deux films, deux repas, six heures de décalage et à peine quelques turbulences plus tard, nous atterrissons à Charles de Gaulle. On récupère une superbe Logan qui en une seconde se retrouve chargée à bloc. Déjà les kilomètres et les panneaux défilent. Ils sont écrits en français, les routes sont étroites, il n’y a pas de fast-food tous les dix mètres, plus aucun truck énorme ne nous double et on doit payer l’autoroute. A l’intérieur de nous se mêlent soudain les sensations de revenir à la fois d’un très long trip et de n’être parti que trois jours auparavant. 

Pendant que l’asphalte défile sous nos roues, on se repasse le film. Le départ de Saint Nazaire avec la France sous la neige. Le cargo et la traversée de l’Atlantique. La Guadeloupe, enivrante, avec autant de paysages différents que de spots. Trois semaines dans les eaux turquoise des Antilles en passant par Antigua, Barbuda, Saint Barth, Saint Martin, Anegada et les Iles Vierges. Un mois sur Porto Rico, la plus américaine des îles hispaniques. La folle traversée sur le deuxième cata et notre débarquement intempestif en République Dominicaine. Une semaine surprise les pieds dans l’eau à Cabarete. Le vol au-dessus des Bahamas et notre arrivée à Miami. La laborieuse recherche du camion et ses multiples rebondissements. La traversée express des US d’est et ouest. Les fabuleux parcs américains de l’Arizona, l’Utah, le Wyoming, l’Idaho, le Nevada et la Californie. Un mois de folie dans les magnifiques vagues de Baja. Et enfin la deuxième traversée des US, d’ouest en est, interminable, en passant par l’extravagante Vegas et la démesurée New York.

Laetitia prend le volant car je tombe de sommeil. En somnolant sur le siège passager, les ressentis et les souvenirs du voyage se mélangent. Notre trip m’apparait tour à tour comme un périple totalement fou, fatiguant, difficile et faisant déjà malheureusement parti du passé. Mais en même temps, je me remémore tout ce que l’on a vécu d’incroyable, tous ces instants magiques, en dehors du temps, dans des endroits extraordinaires. En un mot la vie, concentrée en sept mois de voyage, un cargo, deux voiliers, un camping-car, neuf voitures de location, trois avions, deux hôtels, trois apparts, douze nuits de camping. Un périple aussi entre les saisons, de la neige au soleil, puis de nouveau vers la neige avant un retour à l’été. Au compteur, ça donne une longue balade de 1 200 kilomètres à la voile, 6 000 entre les conteneurs, 8 000 dans les airs et 24 000 sur le goudron. L’équivalent d’un tour du monde. Et des eaux turquoise et chaudes des Caraïbes aux eaux froides et sombres du Pacifique, des forêts tropicales des îles aux forêts de séquoias, du désert aride du Mexique aux rivières sauvages du Wyoming, du sommet de la soufrière au bouillonnant Yellowstone ou encore de la fournaise du Nevada à la neige de l’Idaho, nous n’avons pas fait le tour du globe mais nous avons pourtant bien l’impression d’avoir fait le tour des merveilles qu’il est capable d’offrir.

A peine le temps de repenser à tous ces moments fabuleux que ça y est, nous nous faufilons déjà entre les vignes varoises et nous dépassons le panneau « Lorgues » qui marque la fin définitive du trip, la fin d’une vie libre et sans horaires et le retour à la vie « normale ». Heureusement, trois choses nous empêchent d’être trop déprimés à l’idée de retourner travailler : revoir la famille et tous les potes, retrouver notre belle Provence et de nouveaux projets en perspective !!!

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